lundi, 03 juin 2013

Les enfants handicapés, invisibles parmi les invisibles

Ce sont les oubliés des oubliés, ceux que l'on ne voit jamais : les enfants handicapés. Sur une population mondiale estimée à un milliard de personnes souffrant d'un handicap, physique, mental ou psychologique, ils seraient 93 millions enfants. Soit "un enfant âgé de 14 ans ou moins sur vingt", selon des chiffres rappelés par l'Unicef, dans son rapport " La situation des enfants dans le monde 2013 ", présenté jeudi 30 mai depuis le Vietnam.

Des enfants jouent au ballon dans un centre spécialisé dans le nord de l'Ouganda.Des enfants jouent au ballon dans un centre spécialisé dans le nord de l'Ouganda. | Unicef/Sibiloni

 

Les données sont en fait quasiment impossibles à réunir. "Les enfants handicapés n'entrent pas dans les statistiques, ils n'apparaissent pas, ne comptent pas, surtout dans les pays pauvres", dit Lotta Sylwander, directrice de l'Unicef Vietnam. Si les estimations sont "spéculatives et anciennes", explique l'Unicef, que "la définition du handicap varie d'un endroit à l'autre et d'une année à l'autre", la réalité montre que les enfants vivant dans la pauvreté sont parmi ceux qui sont le plus souvent privés d'éducation et de soins de santé. "Ils sont parmi les plus vulnérables face à la violence, à la maltraitance, à l'exploitation et au manque de soins", rappelle Anthony Lake, directeur général de l'Unicef. Selon dix-sept études concernant des pays à revenus élevés analysées dans le rapport, "les enfants handicapés sont sensiblement plus susceptibles d'être victimes de violences que leurs pairs non handicapés : 3,7 fois plus pour les violences multiples ; 3,6 fois plus pour la violence physique et 2,9 fois plus pour la violence sexuelle", écrivent les rapporteurs.

 

ABSENTS DES REGISTRES D'ÉTAT CIVIL

Plus généralement, leur exclusion est totale et les espoirs d'être un jour intégrés dans la société quasi nuls. "Dans beaucoup de pays, on pense qu'ils sont mauvais. En Tanzanie, certaines mères les tuent, raconte Mme Sylwander. Les parents qui ont des enfants handicapés ont tendance, eux-mêmes, à les rejeter. Or c'est d'abord aux familles de les aimer, elles sont les premières responsables de leur rejet ou de leur possible intégration."

 

Leur exclusion sociale commence dès les premiers jours, quand leur naissance n'est par exemple tout simplement pas inscrite sur les registres de l'état civil. Faute de reconnaissance officielle, ils sont privés de protection juridique et exclus des services sociaux "essentiels à leur survie et à leur avenir", rappelle l'Unicef.

 

Malnutrition, carence de soins, hygiène défaillante sont autant de facteurs déclencheurs possibles du handicap ou l'aggravant. S'appuyant sur les données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Unicef estime ainsi que, "chaque année, entre 250 000 et 500 000 enfants risquent la cécité en raison d'une carence en vitamine A, un syndrome que l'on peut aisément éviter en distribuant des suppléments oraux qui ne coûtent que quelques centimes par enfant". Œuvrant pour l'intégration de ces enfants handicapés, l'Unicef déplore le manque de connaissances et de politiques des gouvernements. "Rare sont les gouvernements qui disposent de critères rationnels en fonction desquels allouer des ressources en faveur des enfants handicapés et de leurs famille", écrit l'organisation internationale.

 

LES PREMIERS À SOUFFRIR DE LA CRISE

Si certains progrès existent, "inégaux", il reste beaucoup à faire. La crise économique a aggravé le problème, réduisant les budgets des politiques publiques, affectant aussi les programmes d'aide internationale. "Les handicapés, qu'ils soient enfants ou non, sont les premiers à souffrir de la crise, et ils sont les derniers de la liste pour toutes les politiques sociales, explique Lotta Sylwander. Mais nous pouvons faire quelque chose : au Vietnam en 2012, nous avons aidé le gouvernement à mettre au point une loi pour garantir la sécurité des enfants handicapés."

Dans la province de Da nang, au Vietnam, des enfants sont accueillis dans un centre spécialisé.Dans la province de Da nang, au Vietnam, des enfants sont accueillis dans un centre spécialisé. | Unicef/Bisin

 

A l'occasion de la publication du rapport 2013, l'Unicef demande aux gouvernements de signer puis de ratifier les conventions relatives aux droits de l'enfant et aux droits des personnes handicapées. Puis de les appliquer. Si 128 pays ont ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, seuls 76 d'entre eux ont ratifié le protocole, un instrument juridique (facultatif) qui complète la convention d'origine en créant des droits et obligations supplémentaires. Vingt-sept pays n'ont pas signé ces conventions, dont de nombreux Etats africains.

 

(Source : Le monde.fr)

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