jeudi, 21 novembre 2013

Handicap: le tertiaire au secours de l'emploi des personnes handicapées

1268001_5_4bc3_sur-les-quelque-2-millions-de-personnes_3fe4360a7c020cf3747bb648ba04882d.jpgL'orientation vers les services permettrait-elle de développer durablement l'emploides personnes handicapées ? Cette question sera posée lors de la Semaine pour l'emploi des personnes handicapées, qui se tient en France du 18 au 24 novembre.


Sur les quelque 2 millions de personnes concernées dans la population active, près de 400 000 (21 %) sont au chômage. C'est "plus du double de la moyenne nationale", note Alain Rochon, président de l'Association des paralysés de France (APF). La faiblesse de l'activité professionnelle de ces personnes est à l'origine de la mise en place, en 2005, du quota de 6 % que les entreprises de plus de vingt salariés sont dans l'obligation de respecter, sous peine de pénalités.

Le taux de temps partiel des travailleurs handicapés est aussi plus important que celui de l'ensemble des salariés du secteur privé, "à 26 % contre 13 %" en 2011, indique le ministère du travail.

Le temps partiel peut, certes, être une réponse à l'évolution de l'invalidité. Ce fut le cas pour Sylvain Fitas, conseiller clientèle chez ERDF, la filiale d'EDF chargée de la gestion du réseau de distribution d'électricité. Atteint d'une pathologie neurologique, il a opté pour un mi-temps qu'il a écourté afin d'obtenir la catégorie d'invalide de niveau 1 – elle permet l'exercice, sous certaines conditions, d'une activité salariée.


LA CRISE N'A RIEN AMÉLIORÉ

En France, le taux d'emploi des personnes handicapées (35% en 2011) a toujours été inférieur à celui de l'ensemble de la population active (64% à la même période). La crise n'a rien amélioré ; elle a même provoqué une progression de 28% des demandes de reconnaissance de "travailleur handicapé" entre 2007 et 2010.

Mais paradoxalement, l'"APF, elle, a plutôt bien traversé la crise, dit M. Rochon. Il y a dix ans, on était dans des secteurs comme la construction automobile, qui ont été durement frappés par la crise. Nous avons réorienté notre stratégie vers le tertiaire", explique-t-il.

En 2006, la part des personnes handicapées dans les entreprises était, en équivalent temps plein, de 3 % dans l'industrie, contre 2,1 % dans le tertiaire.

Certes, les proportions ont peu évolué – respectivement 3,6 % contre 2,8 % en 2011. Mais le nombre de travailleurs handicapés est devenu plus important dans le tertiaire. Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi sont aujourd'hui à 63 % dans les services (contre 31 % dans l'industrie).

 

"DES OPPORTUNITÉS SUPPLÉMENTAIRES"

Chez APF, le tertiaire représente 38 % du chiffre d'affaires. "Notre objectif est d'atteindre 40 % en 2014 et 45 % en 2015", indique M. Rochon. Ce "transfert" pourrait porter une promesse d'amélioration de l'ouverture du marché du travail aux personnes handicapées.

Que ce soit par accident ou en raison de leur travail, 85 % des personnes sont adultes quand elles se retrouvent handicapées. Une situation qui implique souvent une reconversion professionnelle.

"Le basculement vers les services offre des opportunités supplémentaires", note Véronique Bustreel, conseillère nationale emploi à l'APF. "Cela suit d'ailleurs la tendance générale – le tertiaire domine l'économie française, précise-t-elle.Ensuite parce que la diversification des tâches peut y être importante. Désormais, les réponses types à une demande d'emploi sont traitées dans des entreprises adaptées par des travailleurs en situation de handicap. Les sociétés qui externalisent une partie de leur recrutement leur confient cette responsabilité", relate Mme Bustreel.

La voie des services est celle de la reconversion professionnelle. Benoît Tanquerelle, 46 ans et poliomyélitique, a fait l'essentiel de sa carrière dans l'industrie. "J'ai travaillé dix-sept ans comme ouvrier polyvalent dans une entreprise d'électronique quand, en 2001, celle-ci a été délocalisée. Je suis resté sur le carreau trois ans. Dans l'industrie, mon handicap ne “passait” plus. J'ai rejoint un établissement d'aide par le travail qui m'a formé au graphisme (Photoshop, Illustrator, etc.) avec succès", dit-il.


PASSERELLES

Travailler dans le tertiaire offre aussi des passerelles entre les métiers. Daniel Farnolle, 35 ans, atteint de nanisme, avait travaillé dix ans dans la distribution. Il est devenu commercial pour la société d'assurance April"Certes, certaines entreprises ont peur qu'un handicap visible soit un frein à la vente, dit-il. Mais en réalité, une fois passé un premier blocage, une complicité supplémentaire s'installe avec le client."

Dans les services, "la diversité d'activités – le traitement des courriers électroniques, les appels téléphoniques (…), la trésorerie, l'élaboration de devis, etc. – procure une palette variée pour adapter l'activité des personnes à leur état", explique Frédéric Baltes, responsable de la plate-forme de raccordement d'électricité où travaille M. Fitas, dans Réfléchir le management au miroir du handicap (Collectif, éditions Le bord de l'eau EDS, 18 €, à paraître le 21 novembre).

Par exemple, sur une plate-forme téléphonique, la réception des appels est une tâche beaucoup plus stressante que l'émission des appels, dont le contenu est plus facilement maîtrisable.


NIVEAU DE QUALIFICATION

Enfin, la réorientation de l'emploi vers les services correspond également au souhait de nombreux travailleurs qui sont en situation de handicap.

Si l'on observe les demandes d'emploi aux offres publiées sur le site de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), "les métiers souhaités par les candidats sont majoritairement du secteur tertiaire et à faible niveau de qualification – secrétaire, agent administratif public, etc. –", indique Philippe Deljurie, cofondateur de Meteojob, opérateur et analyste de la plate-forme emploi de l'Agefiph, dont le baromètre "Emploi Agefiph-Météojob 2013" sera publié mardi 19 novembre.

En revanche, l'inadéquation des offres demeure sur le niveau de qualification. En effet, 81 % des personnes en situation de handicap n'ont pas le baccalauréat.

"On espère beaucoup un volet “travailleurs handicapés” dans le projet de loi actuellement en débat sur la formation professionnelle", souligne M. Rochon.

 (Source : Lemonde.fr)

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