«Les Jeux olympiques, moi, j’en suis clairement déçu. J’en ai ras-le-bol de travailler dans ces conditions. C’est la galère, et depuis très longtemps... Sur les Jeux olympiques, comme sur les Coupes du monde de football d’ailleurs, obtenir des quotas puis des confirmations sur nos billets prend un temps fou, car les emplacements réservés aux personnes handicapées se décident au dernier moment. On est obligés de faire nos prévisions et de voir ensuite.
On a eu ce problème en 2010, on l’a encore eu en 2012. Pour la cérémonie d’ouverture par exemple, on n’a eu que quatre emplacements pour fauteuils roulants, et uniquement grâce au tirage au sort. C’est ce qui m’a tout de suite mis en garde, alors que les journaux et les communiqués de presse présentaient les JO de Londres comme l’idéal, l’événement le plus accessible au monde.
Les Jeux olympiques de Londres devaient être un modèle d’accessibilité. Pourtant, Malik Badsi, dont l’agence de voyage a organisé le séjour d’une centaine de personnes handicapées, a rencontré difficulté sur difficulté. Spécialisé dans les grands événements sportifs depuis la Coupe du monde de football de 2010, il affirme, excédé, n’avoir jamais eu autant de problèmes.
“ Les parkings, c’est 0 sur 10, la catastrophe !”
Pendant des mois, on a essayé d’expliquer aux organisateurs que nous sommes une agence de voyage et que, du coup, nous transportons plusieurs personnes à la fois. On leur a dit qu’on avait besoin d’un parking pour bus, mais il a fallu six mois pour qu’ils le comprennent et trouvent une solution qui ne fonctionne même pas vraiment...
Finalement, ils nous ont envoyé par email des autorisations pour garer nos bus sur les parkings des sites des différentes épreuves. Mais quand nous sommes arrivés à la cérémonie d’ouverture, personne ne savait où on devait se garer ! On a fait des tours pendant une heure et demie.
Sur la route, la signalétique est incompréhensible, les bénévoles ne sont pas formés et ils répondent simplement de “continuer d’avancer”. Les policiers ne sont même pas de Londres ! On a fini par s’arrêter quelque part et par dire “le bus ne bouge plus, débrouillez-vous”.
Et ça, ça nous est arrivé presque tous les jours, parce que ce n’est jamais la même personne qui est en charge des parkings. Franchement, c’est 0 sur 10, la catastrophe !
“ Si c’est pour arriver en retard à mon match, ça ne sert à rien ”
Il y a aussi la mobilité dans les stades. Ils ont mis en place un service de voiturettes destinées aux personnes à mobilité réduite. Ces voitures sont censées pouvoir transporter jusqu’à six fauteuils, mais les chauffeurs ne le savent pas et ils en transportent à peine un ou deux. A la place, ils laissent monter à bord les journalistes qui ont du matériel. Et puis elles n’ont pas de voies réservées, donc on avance au milieu du public.
Franchement, on irait beaucoup plus vite à pied. D’ailleurs, on est obligés de le faire certains jours, quand on nous fait descendre à un arrêt qui n’est pas le nôtre car la personne qui doit prendre la relève au volant n’est pas rentrée de sa pause.
Ce service devait rendre les JO accessibles. Et bien l’accessibilité est à revoir. Si au final c’est pour arriver en retard à mon match, ça ne sert à rien !
450 livres sterling pour une place déjà prise
Ces derniers jours, on a aussi eu des soucis au stade olympique pour les épreuves d’athlétisme. On avait réservé des places en catégorie A, en face du du podium. On arrive et on ne peut pas s’installer parce qu’il y a des caméras sur les emplacements pour fauteuils roulants. Elle coûte quand même 450 livres sterling, la place ! Le lendemain, ils avaient installé les drapeaux sur nos emplacements pour qu’ils ne soient pas trop loin des caméras. On a été obligés de se décaler.
Le responsable du stade est venu me voir. Je lui ai demandé pourquoi, quand il y avait un problème, c’était toujours sur les places réservées aux fauteuils roulants. Il m’a juste répondu “c’est une bonne question”, rien de plus.
Ni guichet à hauteur de fauteuil, ni borne en braille
Il y a aussi des tas de petites choses auxquelles les gens ne font pas attention mais dont moi, avec l’habitude, je m’aperçois. Dans tous les snacks, il n’y a aucun guichet qui soit à hauteur de fauteuil. Il n’y a pas de bandes rugueuses au sol pour indiquer le chemin aux malvoyants, ni de borne en braille.
Le service de billetterie n’est accessible que par téléphone et en anglais. Mais 50% de ma clientèle ne peut pas utiliser le téléphone, même en français. Et 99% ne parle pas anglais. Ce sont pourtant des choses simples, du bon sens. Il suffisait de nous écouter ! Ils ne se rendent pas compte de l’ampleur des difficultés que ça pose pour nous et nos clients.
“ C’est de l’accessibilité bling-bling ”
On a souvent des problèmes, mais aux JO, c’est pire qu’ailleurs. A la Coupe du monde de football, nous n’avions eu qu’un seul souci. Au stade du Cap, il n’y avait pas de parking ni d’espace “dépose” pour les spectateurs handicapés. L’organisation n’avait pas prévu qu’il y ait des spectateurs en fauteuil.
Le soir même, j’ai envoyé un mail à la FIFA et je suis allé voir la responsable du stade. Ils ont corrigé ça dès le lendemain. Sur les autres sites, il n’y avait pas ce genre de problème.
A Londres, c’est incroyable ! C’est de l’accessibilité bling-bling. Certes, ils ont fait un site plat, où il n’y a pas d’escaliers, mais ça n’est pas de l’accessibilité. Il faudrait que tout soit accessible pour tout le monde, sans aide extérieure. Mon avis, c’est que les personnes handicapées sont un public très restreint, à peine 1% du stade. Dépenser de l’argent pour eux, ça n’est pas rentable.
Les Jeux paralympiques commencent dans moins de trois semaines. Nous emmenons 450 personnes, alors ça m’inquiète. On est en train de préparer un rapport, je pense pouvoir le transmettre aux organisateurs en fin de semaine prochaine. Nous avons déjà fait des remarques, j’espère qu’ils vont en tenir compte ». (Propos recueillis par Raphaëlle Peltier - Source: rue89.com)
Si vous faites partie des chanceux qui ont pu participer à cet évènement, et si vous êtes en situation de handicap, qu'avez-vous pensez de l'accessibilité?